Les critères de classification des crimes
Le travail réalisé par la CSAE a pris en compte les éléments suivants :
- La région ;
- Le rapport de l’organisation ;
- La source de l’enquête ;
- Le lieu de la violation (département ou sous-préfecture ou village) ;
- La période ;
- La nature et les caractéristiques de la violation ;
- L’identification des victimes ;
- L’identification des auteurs ;
- L’échelle de gravité de la violation ;
- Le niveau de preuve de la violation ;
- La cause de la violation ;
- L’impact de la violation sur la cohésion sociale.
Cf. page 63Les violations mises en évidence dans les six zones de Côte d’Ivoire pour les besoins du MAPPING sont :
A. Violation du droit à la vie :
- Exécution extrajudiciaire pour des raisons politiques et/ou ethniques apparentes par les forces de sécurité ;
- Exécution extrajudiciaire pour des raisons politiques et/ou ethniques apparentes par d’autres ;
- Autres exécutions par les forces de sécurité ;
- Mort durant la détention.
B. Violation du droit à l’intégrité physique et du droit à la sécurité de la personne.
- Tortures/mauvais traitements,
- tortures/mauvais traitements entraînant la mort,
- viol ou autres violations basées sur le genre,
- traitements cruels, inhumains et dégradants,
- détentions inhumaines,
- détentions arbitraires (extra-judiciaires, politiques, etc.)
- disparitions forcées,
- intimidation,
- menaces de mort,
- perquisitions illégales,
- destruction de propriétés par les autorités pour des raisons politiques,
- extorsion.
C. Violation du droit à la propriété.
- Interdiction de reprendre possession de sa propriété ou ses biens,
- litiges fonciers ou immobiliers.
D. Violations du droit à la libre circulation et du droit à la résidence.
- Privation de passeport, de document d’identification personnel ou d’état civil,
- déplacements forcés de population,
- interdiction ou empêchement arbitraire de passage à l’intérieur du pays ou à l’extérieur.
Cette liste n’est pas exhaustive.
cf. page 64
Les équipes terrains
La Fondation Open Society Initiative for West Africa (OSIWA) a appuyé le budget de la CDVR (?) moyennant quoi le cabinet ALFORT a été retenu pour recruter l’équipe terrain de 351 personnes, composées de :
- 300 agents d’audition et d’enquête
- et 45 coordonnateurs ont été retenus.
- La CDVR elle-même a ajouté à ces recrues 6 superviseurs,
Ce qui donne une équipe de 351 personnes capables, d’après le rapport du cabinet ALFORT, de mener à bien le travail sur le terrain.
LES AUDITIONS
L’audition consiste à entendre et à recueillir auprès de trois catégories de personnes (soit une victime, soit un “perpétrateur“, soit un témoin), le récit d’une violation. On appelle encore ce récit une déposition. Il doit, comme cela a été indiqué plus haut, décrire ce qui s’est passé, quand cela s’est passé, comment, pourquoi et où. Il doit dire enfin qui ont été les victimes et qui sont les auteurs.
Les campagnes de sensibilisation préalable aux auditions
La sensibilisation était nécessaire pour des raisons d’efficacité. L’expérience ivoirienne n’a prévu aucune contrepartie incitative pour les “perpétrateurs“ acceptant d’avouer. En cela, elle est différente de l’expérience sud-africaine par exemple où l’aveu des méfaits s’échangeait contre l’amnistie. Il fallait donc expliquer le sens et l’intérêt du processus, pour que les personnes visées le comprennent bien, et pour obtenir d’elles à la fois leur confiance et leur adhésion. C’était ce que la sensibilisation devait garantir.
La sensibilisation pouvait être facilitée par la présence des commissions locales. Ces structures déconcentrées, conçues pour être les relais de la CDVR à l’échelon régional, pouvaient en effet l’inclure dans leur programme d’activités. D’ailleurs « contribuer à la sensibilisation des citoyens et des communautés locales sur les différentes phases du processus », était la première des dix missions des commissions locales explicitement fixées par la CDVR.
Sur le terrain, les superviseurs et les agents d’audition et d’enquête se sont efforcés de rencontrer et d’impliquer une grande diversité de personnes.
Dans le Lôh Djiboua (Divo, Lakota, et Guitry) par exemple, en zone Ouest, l’ouverture de chaque centre d’écoute a été précédée, chaque fois, d’une mission de prospection pour informer les autorités locales, les jeunes, les femmes, de ce qui allait y être fait.
À Gagnoa, dans la région du Gôh et dans la même zone Ouest, les agents d’audition et d’enquête ont été heureux de se voir assidûment seconder, dans le travail de sensibilisation, par des membres de la société civile. La mobilisation constatée pendant les auditions – 1438 visiteurs reçus en 10 jours – est, à leurs yeux, le résultat direct de la sensibilisation effectuée.
Dans le même département de Gagnoa, ils ont étendu l’opération avec satisfaction aux localités de Ouragahio et Bayota.
Les agents d’audition et d’enquête sont allés ensuite, pendant plus de deux semaines, du 2 au 20 mai 2014, à Diégonefla, Dougbafla, Doukouya, Gnamienkouamékro, Gabia, Doka, Guépahouo et Bronda dans le département d’Oumé. Dans toutes ces localités, l’objectif était le même : rencontrer la chefferie, les responsables de jeunes, de femmes et autres leaders d’opinion. Ils ont même fait du porte à porte et parcouru les marchés et les rues avec un micro mobile. L’aide des membres de la société civile a été, là également, considérable. Grâce à eux, les équipes ont été bien accueillies et ont pu faire passer le message de la CDVR dans les meilleures conditions.
Les agents enquêteurs ont été en contact, de manière systématique, avec trois catégories d’interlocuteurs :
- Les autorités administratives : le préfet de région et ses collègues des départements, le conseil régional, le conseil municipal, le commandant de la légion de la gendarmerie.
- Les chefs traditionnels et les leaders religieux : chefs de village, chefs de communautés, les prêtres, les pasteurs et les imams, le président de la communauté CEDEAO là où il en existe.
- Les populations : chaque fois que cela était possible, des réunions ont été organisées avec les différentes communautés vivant dans les régions, pour leur exposer les objectifs de la CDVR. Les sous-préfets ont adressé des courriers aux chefs des villages placés sous leur tutelle pour aider à l’organisation des réunions.
La sensibilisation a été menée avec une attention particulière pour les femmes. L’évaluation de la phase pilote avait fait ressortir en effet un faible taux de participation des femmes aux dépositions, et une recommandation avait été faite pour que cela soit corrigé.
Les autorités administratives et les chefs traditionnels sont ceux qui ont le plus contribué à la mobilisation des femmes durant la période de la prorogation des auditions. On a pu obtenir ainsi, entre le 15 août et le 15 octobre 2014, c’est-à-dire en deux mois, une participation de trois mille deux cent soixante-quinze (3275) femmes supplémentaires.
La sensibilisation n’a pas été optimale dans toutes les régions. Les agents d’audition et d’enquête eux-mêmes ont déploré parfois son caractère « sectaire » ou « partiel ». Dans la région du Cavally (Bloléquin, Toulepleu, Taï), par exemple, seules certaines ethnies ont été touchées, pas d’autres ; seules les autorités locales ont été informées, pas la population.
Les réserves de cette nature ne suffisent pas à minorer l’impact d’une tâche qui était indispensable et que les agents ont essayé d’accomplir avec conscience et rigueur. Elle a permis aux agents enquêteurs de se donner la chance d’arriver à la phase suivante, celle des auditions, avec toutes les garanties de succès.